mercredi 16 décembre 2009

La phrase qui coûte un bras

L'amour, sentiment éternel de liberté et d'emprisonnement à la fois, a toujours été au coeur même du fonctionnement du monde.

Or l'amour, la stabilité sentimentale est devenu un confort, un luxe voire même un caprice que certains des générations actuelles refusent de s'offrir. Car il faut l'avouer : le sentiment amoureux s'est précarisé au XXIème siècle. Autrefois, à l'époque de nos parents et de nos grands-parents, l'engagement devant le sacré (mariage religieux) et la société (mariage civil) constituaient de véritables symboles distinctifs d'appartenance sociale. L'affaiblissement de la tradition a considérablement fragilisé l'engagement solennel du mariage, désormais concurrencé par le concubinage, le divorce, le PACS/déPACS et la séparation devenue monnaie courante.

Plus que jamais épris de liberté, l'être humain teste les relations amoureuses, s'essaie à plusieurs terrains de jeu, sous couvert d'expérience. Et c'est précisément là que le bât blesse les générations antérieures : c'est qu'aujourd'hui, les hommes et les femmes se forment à l'amour comme un étudiant se forme à son futur métier. Entre périodes d'intense bonheur et d'épreuves douloureuses, il faut tout de même admettre que désormais, l'attachement amoureux n'est plus régi par une sacro sainte règle de la linéarité. Au contraire, entre euphories, bonheurs et traumatismes, le jeu de l'amour est plus que jamais ouvert à toutes les opportunités.

Entre démagogie et immoralité, quel est la nouvelle définition du mot "aimer" ?

L'être humain a cette faculté de renaître de ses cendres, tel le légendaire Phoenix, du moins émotionnellement parlant. Blessé par la vie, brisé par les déceptions, comment fait-on pour revenir à une vie "normale"? A chaque renaissance, les sentiments changent et se modifient au gré des expériences de la vie de chacun. Sans doute les fonctions essentielles de l'homme sont-elles d'aimer, de protéger, de chérir, de détester, de haïr, de détruire et ce, à des moments différents de sa vie.

Récemment, un ami proche m'a confié avoir sorti LA PHRASE qui coûte un bras, à savoir "Je t'aime" à son amie actuelle. Quel courage il lui a fallu, mais vraiment: QUEL CRAN!

Bon repartons du début et tentons de comprendre pourquoi ce genre de phrase jusque là très banale finit par coûter une blinde psychologique, pour nous faire suer le front à grosses gouttes.

Au début de notre vie amoureuse, chacun d'entre nous est vierge sentimentalement parlant. Et de là commence l'apprentissage de la vie. La première déception amoureuse est souvent déterminante pour le reste de notre existence et comporte des effets sur notre personnalité et notre perception du monde. Puis suit la seconde, dont la séparation fut encore différente. Puis la troisième, la quatrième...et la énième...

Entre toutes ces histoires considérées comme "sérieuses" s'intercalent des histoires furtives d'une semaine, d'un week-end, de vacances, d'un soir, de quelques heures... Ce genre d'histoire purement physique répondant à un besoin immédiat égoïste: celui de posséder quelqu'un. C'est alors que nous entrons dans la peau d'un personnage, à l'aise socialement, sous son meilleur jour, souriant, agréable mais toujours avec les yeux du désir. Mais une fois l'étreinte terminée, le vide s'installe. Très vite, ce vide laisse place au malaise, puis au dégoût, face à la personne que nous sommes (temporairement) devenus...
Comment a-t-on pu donner son corps à quelqu'un que l'on connaît à peine? Quelqu'un qui est marié, quelqu'un de stupide, quelqu'un d'anonyme: en somme, quelqu'un avec qui aucune affinité n'est possible. Seule, l'affinité sexuelle peut exister mais de manière totalement éphémère.

Dès lors débute une période de cicatrisation, plus ou moins longue selon les individus, durant laquelle chacun doit faire le deuil de sa précédente relation. Aussi difficile soit cette cicatrisation, il s'agit là d'un pacte tacite qui demande de tuer tout sentiment vis-à-vis de l'autre en échange de la paix de l'esprit.

Et un jour, la vie reprend ses droits, sans crier gare. Sans s'en apercevoir, les plaies se sont refermées, mais à quel prix? Après tant de déchirements, de nuits blanches à chercher le sommeil, tant de regrets et autres questions sans réponse, la paix se négocie contre une carapace qui s'épaissit en avançant dans la vie.
Vivant avec cette forteresse dressée tout autour du cœur, nul ne peut y entrer: miradors, barbelés, mines anti-personnelles, radars anti-missiles, c'est l'armée de l'ONU qui protège ce qu'il reste de nos sentiments, ce qu'il nous reste de faiblesse humaine à dissimuler aux yeux du monde.

Alors comment faire pour arriver à nouveau à prononcer cette fameuse phrase qui coûte un bras? Cette seule phrase qui veut simultanément tout dire, tout en étant d'une banalité quelconque. Cette phrase porteuse d'espoir qui se relève être en même temps sacrificielle?

Que se passe-t-il le jour où, malgré tout le dispositif mis en place autour de la bande de Gaza, l'ennemi s'infiltre?...

1 commentaire:

  1. Love Is A Battlefield... jamais je n'avais lu une illustration aussi vivace et pourtant touchante de cet adage... bel article, qui soulève des questions essentielles sur les rapports amoureux, les rapports humains, les rapports à nous mêmes et qui nous voulons/ parvenons à être... merci!

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